Droits des femmes

Journée de lutte contre les violences faites aux femmes : le combat d’Anita

 Anita Traoré est la fondatrice et présidente de ‘’l’Association Chance et Protection Pour Toutes’’, une association qui vient en aide aux jeunes filles et femmes victimes de violences sexuelles. Avec Binta Diallo, Anita et les 100 000 signataires de leur pétition ont conduit le Ministère de l’Education nationale à intégrer la lutte contre l’excision au programme des collégiens. Elle-même victime de cet acte monstrueux, Anita a décidé de briser le silence. Elle revient sur son combat en cette journée symbolique.

Quand avez-vous décidé de vous mobiliser contre les violences faites aux femmes ?

Il y a un peu plus de 5 ans, j’ai perdu ma cousine de 8 ans suite à un viol à Conakry (Guinée).
Ce décès a concrétisé mon envie de créer mon association pour la lutte contre les violences à l’égard des femmes. L’augmentation des violences faites aux femmes ces dernières années en Guinée, mais également en France n’a fait que renforcer ma volonté de continuer ce combat.

Pourquoi avoir porté avec Binta Diallo une pétition contre l’excision ?

Il était naturel pour moi de rejoindre Binta dans ce combat, car l’élimination de cette pratique barbare me tient énormément à cœur. L’excision est une pratique néfaste qui continue à faire des victimes en France et ailleurs. Il y a quelques jours, un bébé de trois semaines a succombé à ses blessures après s’être faite excisée en Guinée. Je suis moi-même une victime de l’excision.

fb_img_1479166124366

Pouvez-vous expliquer quel a été l’impact de votre pétition dans la lutte contre les violences faites aux femmes ?

Grâce à notre pétition, nous avons su sensibiliser des milliers de personnes contre l’excision. Nous avons reçu de nombreux messages de soutiens et de témoignages. Nous estimons avoir atteint notre objectif, qui était celui de faire réagir les pouvoirs publics. En effet, après plusieurs échanges avec Madame Najat Vallaud-Belckacem, la ministre de l’Education nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, j’ai eu l’opportunité de rencontrer Madame Marie-Cécile Naves, conseillère en charge de la santé, du sport, du handicap et de l’éducation populaire. Lors de cette rencontre, il a été convenu que l’excision sera intégrée au nouveau programme de la nouvelle réforme des collèges mis en place à partir de septembre 2016. Une matière intitulée « morale et civique » remplace l’éducation civique. Cette nouvelle matière permet aux élèves de débattre, de faire des jeux de rôle et d’avoir un temps d’échange sur les sujets comme l’excision, le mariage forcé, le respect de l’autre, etc. Néanmoins la lutte continue, car beaucoup de choses restent à faire.

Où en êtes-vous aujourd’hui dans votre combat ?

Nous continuons à dénoncer, à sensibiliser et à informer sur les violences faites aux femmes. Nous menons plusieurs actions ici et en Guinée.

fb_img_1479166140892

Deux ans après la création de votre association « Chance et Protection Pour Toutes » contre les violences faites aux femmes, quels améliorations avez-vous observé ces dernières années en France ?

Malheureusement, depuis deux ans, nous n’avons constaté aucune amélioration concernant les mesures prises contre les violences faites aux femmes. Les chiffres restent implacables. Au moins cent femmes ont été assassinées en France par leurs conjoints ou ex conjoints depuis le début de cette année. Sans oublier celles qui sont quotidiennement victimes d’humiliation, de violences, de chantages, etc.

fb_img_1479166170368

Que reste-t-il à faire ?

Quand la justice ne fait pas son travail, tout reste à faire, j’ai envie de dire.
En ce 25 novembre,  journée internationale pour l’élimination des violences à l’égard des femmes, Jacqueline sauvage reste en prison, elle continue à être traitée comme un assassin. C’est révoltant et désespérant, mais nous ne baisserons pas les bras, nous continuerons à lutter contre toutes les formes de violences faites aux femmes.

Quel message voulez-vous envoyer aux décideurs politiques sur ce sujet ? Aux femmes concernées ?

Je voudrais dire aux décideurs politiques qu’il est urgent de prendre des mesures applicables. Car, il est bien de prendre des mesures, il serait surtout important de pouvoir les appliquées.
Laurence Rossignol, ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes a présenté ce mercredi 23 novembre en Conseil des ministres le 5e plan de lutte contre toutes les violences faites aux femmes. Ce plan d’action sur trois ans comporte 122 mesures destinées à faire baisser un nombre de victimes dramatiquement stable. Nous attendons donc de voir ce qui changera avec ce plan.

Quant aux femmes victimes de violences, je voudrais leur dire de tenir bon, de ne jamais baisser
les bras. Contrairement à ce qu’on peut penser, il n’est pas facile de s’en aller quand on est sous l’emprise d’un bourreau qui nous menace de mort pour tout et n’importe quoi. Un mari qui menace de tuer vos enfants ou de vous les retirer. Pour ne citer que ces deux exemples. Il est impossible de partir d’un claquement de doigt. Je voudrais donc témoigner tout mon soutien à toutes les femmes victimes de violences pour leur courage et leur patience. Il est important de ne jamais abandonner, il faut continuer à se battre. Nous vaincrons !

Auriez-vous un conseil à donner aux personnes qui souhaiteraient lancer une pétition ?

Foncez ! Nous avons obtenu gain de cause. Vous pouvez à votre tour atteindre votre objectif. Ensemble nous pouvons changer les choses.

Written by
Aminata Dembele
novembre 25, 2016 1:21